Le corps humain nu, ça vous dit ?
Le nu. Ici, on le qualifie ainsi. C’est la représentation artistique du corps humain nu. Là où je viens, on parlerait plutôt du sacrilège, de l’abomination ou de je-ne-sais-quoi de pareil. Pourtant, j’ai accepté l’invitation. Peut-être que je ne savais pas encore très bien ce qui m’attendait. Oui, j’ai accepté d’aller apprendre à dessiner un modèle vivant.
Choc culturel dès mon entrée au Palais des beaux arts. Devant plusieurs personnes, deux femmes et un homme arrivent et se déshabillent totalement après quelques consignes du plasticien, maître de la séance. Pas de cri de stupeur. Rien. Il paraît que ce n’est pas étrange. « On les considère comme des objets d’art » me souffle une jeune française assise à côté de moi. Comme elle, j’ai mon papier et mon crayon pour dessiner.
Mais, je n’arrive pas à commencer l’exercice. En amont, je me sens obligé de me replacer dans le temps et dans l’espace. Je dois me dire que je suis bien en 2011 et à Lille, au nord de la France. Je ne suis plus chez moi, à Kisangani, à l’est du Congo-Kinshasa. Là-bas, durant toute mon enfance, voire ma jeunesse, bref toute ma vie jusqu’ici, on m’avait appris à respecter le corps humain. A la maison, on me disait qu’il était sacré. A l’église, le catéchiste me démontrait que c’était le temple du Seigneur.
De ces deux écoles, j’avais construit ma conception de la nudité. Une conception africaine de la nudité. Là où je viens donc, la nudité possède une autre valeur. Elle incarne tout autre chose. Elle est assimilée à une sorte d’appel à la sexualité. Or, ne serait-ce que parler de la sexualité demeure encore un véritable tabou…
Après cette recontextualisation tempo-spatiale dans mon esprit, j’ai décidé de faire comme tout le monde. J’ai pris mon crayon. Regardant scrupuleusement le corps du jeune homme nu devant moi, j’ai commencé à le dessiner sur mon papier blanc. Je me vois encore ébahi devant la concentration, sans faille, d’un petit garçon de 10 ans. Lui aussi est venu dessiner les modèles vivants. Ca ne passerait pas en Afrique, je crois. Peut-être avec le temps. Ici, ça passe sans casser. Autre espace, autres mœurs !
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