Diaspora congolaise : pouvoir et musique dans le même sac ?
Un groupe de congolais de la diaspora assimile des artistes musiciens aux collaborateurs du régime en place en République Démocratique du Congo. Ils se nomment des « Combattants » ou des « résistants ». Leur mouvement parti de Londres, il y a quelques années, vient d’atteindre Paris. Ce weekend, Papa Wemba et Werrason, deux vedettes de la musique congolaise, ont été les premiers à payer les frais.
A Bruxelles et à Paris, des centaines de Congolais sont descendus dans la rue, le samedi 19 février, pour réclamer le départ du président de la République Démocratique du Congo. Au rythme de « Kabila dégage », ceux de Bruxelles sont allés finir leur marche à quelques mètres du local de leur représentation diplomatique. Voir le reportage de Rtl.Tvi.
» Kabila dégage ! »
A Paris, la marche de colère s’est transportée sur le terrain artistique. Pourtant, tout a commencé comme une manifestation classique contre le régime : dénonciation des violations des droits fondamentaux, des viols, des assassinats, de la misère de la population, …et la réclamation de « la démission immédiate » de Joseph Kabila, l’actuel président de la République.
Puis, une partie de manifestants s’est rendue devant la salle Elysée Montmartre. Avec un seul objectif. Empêcher le concert de deux de grandes stars de la chanson congolaise moderne prévu dans la soirée. Résultat : concert de Papa Wemba et Werrason annulé. Sur des vidéos postées sur youtube, le ton de ces « combattants » de Paris est sans appel. « Il n’y aura plus de concert à Paris ». Ils accusent des artistes musiciens d’être à la solde du pouvoir. « Ils sont utilisés par Kabila pour nous distraire » affirme un de leur, « le colonel Odon ». Voir le reportage de Marc Tabu de Congonumber1.
L’artiste « n’est pas un politicien et n’a jamais créé un parti politique »
« Faux », on rétorque du côté des artistes. Sur le plateau de l’émission Karibu Variétés de ce dimanche 21 février à Kinshasa, un porte-parole de Werrason a rappelé que l’artiste « n’est pas un politicien et n’a jamais créé un parti politique ». A Paris, l’entourage du chanteur est passé à l’offensive sur le net. Des vidéos des « actions humanitaires » du leader du groupe Wenge musica maison mère circulent déjà à travers les sites d’actualité musicale congolaise et les réseaux sociaux. On voit l’artiste aux côtés des femmes violées à l’est de la République Démocratique du Congo.
Sur la toile, ça se discute.

Bikeko de Congobilili a ouvert, le dimanche, le débat. Pour lui, les choses ne bougeront pas au Congo en
« s’attaquant aux pauvres artistes » en Europe. Il est rejoint dans sa position par Bocamag qui s’interroge sur l’acharnement des « combattants » sur les artistes : « Pourquoi s’attaquent-ils aux musiciens ? Il y a nos ambassades en Europe. Il faut aller plutôt s’attaquer aux ambassadeurs, représentants du gouvernement ou aller manifester au pays comme le font les Tunisiens, les Egyptiens, … »
Bikeko
Autre son de cloche du côté de John Muluke. Un son de soutien à l’action des « combattants » :
« Empêcher le concert d’un musicien qui soutient et fait la propagande du régime actuel est un moyen utilisé pour attirer l’attention de l’opinion publique et envoyer un message au pouvoir de Kinshasa ».
John Muluke
« Comment peut-on chanter et danser pendant que nos mamans se font violer au Kivu et la misère ronge la population ? Ces musiciens devraient jouer le rôle de défenseurs de l’opinion publique par leurs chansons pour dénoncer l’injustice sociale »
avance V12
Le débat reste ouvert
Sont-ils pour autant des « collabos » ? Le débat reste ouvert. Et pourtant, doit-on le rappeler, les relations musiciens – politiciens ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis toujours, les artistes musiciens congolais chantent pour des politiques, sinon les « lancent des mabanga » (Traduisons avec Cédric Kalonji : Mabanga: littéralement «cailloux» en Lingala — un mot qui signifie en fait «louanges», car au Congo, «lancer des cailloux» c’est lancer des fleurs.). Un modèle économique de la musique congolaise.
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